Programme Scientifique
Localisation des zones préférentielles de concentration
des macrodéchets en surface, évaluation de l'implication des
courants dans la distribution des nappes de déchets,
et détermination des sources et des zones d'échouages.
Les déchets les moins denses (ceux en suspension près de la surface) terminant leur course en mer sont soumis à un transport par les courants. La circulation générale des courants en Méditerranée est bien connue.
Elle présente notamment en surface des
structures océanographiques pérennes dans l’espace pouvant
potentiellement concentrer les déchets flottants (tourbillons
et fronts). Les fronts caractérisés par des gradients de température
ou de salinité importants et les zones tourbillonnaires semblent
en effet propices a priori à la convergence de matériel flottant
(1).
Le plan de navigation est établi en regard de la localisation moyenne
des structures océanographiques de surface afin de recenser
les nappes de déchets flottants (2) dont la superficie sera
également mesurée (3). Ce trajet
sera ajusté en fonction des conditions météorologiques
et courantologiques du moment, accessibles par les images satellites (partenaire
envisagé pour les images satellitaires : SPOT Image et ACRI-ST).
Afin de déterminer l’ancienneté dans le milieu des déchets constituant les nappes (et donc l’importance de la distance potentiellement parcourue), des échantillons seront prélevés au sein des agglomérats de débris. Ils seront analysés par le Laboratoire Environnement Marin Littoral de l’Université de Nice (Laboratoire partenaire, cf. annexe 1) afin d’évaluer l’âge, la quantité et la nature des organismes vivants fixés sur les déchets (faune épibionte). Les prélèvements fixés dans une solution de formol devraient permettre l’identification d’espèces animales caractéristiques de régions méditerranéennes particulières plus ou moins distantes (4).
Il est important de savoir si les déchets sous forme de patch se retrouvent dans la zone suite à un déversement massif sur place par un navire, ou s’ils résultent d’un transport par les courants. Les parts relatives de ces deux types de provenance feront l’objet d’une attention particulière (même si l’on sait qu’environ 3/4 des déchets marins en général proviennent du milieu terrestre). L’origine des déchets récents dans le milieu peut également être déduite par lecture des éventuelles inscriptions ayant subsisté sur les emballages.
Pour l’exploitation des données, les modèles
développés par l’équipe océanographique
du LSEET (laboratoire partenaire) devraient également permettre d’apporter
des éléments de réponse à la question de l’origine
des déchets. Le LSEET dispose d’une série de
modèles développés précisément pour le
bassin méditerranéen nord occidental
(5). Ces données couplées à des relevés
de température et aux conditions météorologiques (une
sonde de température et salinité, ainsi qu’un anémomètre
seront installés à bord du navire de l’expédition)
constituent un ensemble d’informations scientifiquement exploitable
dans ce cadre. Des simulations numériques “ forward
” et “ backward ” à partir des zones de relevés
devraient permettre de définir les probables zones d’échouage
et de provenance (6).
Des flotteurs dotés d’un systême de positionnement par
satellite et de sondes de mesures hydrologiques seront également
envoyés à la dérive lorsque des nappes conséquentes
de déchets seront constatées. Après un cours suivi
de la dérive commune entre chaque flotteur et les déchets,
le flotteur sera effectivement abandonné en mer. Il donnera des renseignements
sur le devenir de la nappe de déchets (notamment la zone d’échouage
probable) qui seront intégrés aux modèles.
D’autre part, du point de vue de la recherche océanographique,
si les courants peuvent expliquer en partie la distribution spatiale des
macrodéchets observés, les macrodéchets représentent
en retour des indicateurs des courants marins, en considérant qu’ils
se comportent comme des traceurs passifs.
Ainsi, les données hydrologiques et la localisation des nappes
de déchets serviront également à affiner les modèles
de courantologie, si essentiels pour la compréhension du fonctionnement
des écosystèmes marins.
A l’issue de l’Expédition M.E.D, ces données seront exploitées et valorisées par le LSEET.
1- Voir par exemple Shiomoto A. et Kameda
T., 2005. Distribution of manufactured floating marine debris in near-shore
areas around Japan. Marine Pollution Bulletin, 50: 1430-1432.
2- Une nappe s’entend comme un agrégat de déchets flottants
de plusieurs mètres carrés présentant une densité
importante d’éléments.
3- La superficie des nappes sera mesurée à l’aide d’un
canot pneumatique à moteur et d’un GPS embarqué.
4- Aliani, S. et Molcard A, 2003. Hitch-hiking on floating marine debris:
a contribution from macrobenthic species in the Western Mediterranean, Hydrobiologia
503( 1): 59-67.
5- Pour les années suivantes, les partenaires universitaires du LSEET
dans les différents pays du pourtour seront sollicités
pour réaliser ce même type de travail.
6- Pour un exemple d’utilisation de modèles pour l’étude
de la propagation de déchets plastiques†en mer : Aliani, S.,
Griffa A.
et Molcard A., 2003. Floating debris in the Ligurian Sea, North-Western
Mediterranean. Marine Pollution Bulletin, 46 : 1142-1149.