Programme Scientifique
Évaluation du plancton et des micro-particules
de plastiques en
Méditerranée
Dans le milieu marin, les temps de dégradation évoqués
pour le plastique sont de l’ordre de plusieurs siècles. Une
telle durée s’explique par l’absorption très rapide
des rayons solaires dans les premiers mètres de la colonne d’eau,
rendant extrêmement lente la photo-oxydation des polymères
du plastique immergés (1).
En outre, aucun organisme vivant n’est actuellement connu comme étant
capable de décomposer simplement les polymères et les microfragments
de plastique, résidus ultimes et invisibles de ce type de déchets.
Il est probable de ce fait que l’essentiel du plastique arrivé
en mer depuis l’époque où l’on a commencé
à le fabriquer massivement y demeure actuellement sous la forme de
polymères (2).
Très peu de données existent actuellement sur les quantités de microdéchets plastiques en mer. Mais compte tenu des apports et des temps de dégradation en mer conséquents pour ce matériau, on peut imaginer des quantités probablement importantes de microdéchets plastiques. Du fait de l’affinité du plastique pour les polluants organiques persistants (3) présents dans le milieu marin (des mesures sur des microbilles collectées en mer ont révélé des concentrations superficielles 1 million de fois supérieures à la concentration du milieu), le plastique sous la forme microscopique représente un vecteur de pollution dans les écosystèmes marins probablement significatif. Des fragments microscopiques de plastique ont récemment été identifiés dans des organismes marins prédateurs de plancton (2).Pour ces différentes raisons, la communauté scientifique réunie récemment pour la première fois spécifiquement sur la thématique des microdéchets marins (2) pose comme priorité la collecte de données sur le rapport entre quantités de plancton et quantités de microdéchets en mer. A notre connaissance, aucune information n’existe aujourd’hui pour la Méditerranée sur cette forme de pollution invisible.
Dans ce contexte, l’Expédition M.E.D souhaite apporter des premiers éléments de connaissance sur cette pollution en Méditerranée. Des prélèvements seront ainsi réalisés au fil du parcours dans le but de déterminer, dans les différents points de prélèvements, et à différentes profondeurs, dans quelle mesure le plastique est présent dans le compartiment planctonique. Dans le Pacifique Nord, il a été mesuré jusqu’à 6 fois plus de morceaux de plastique microscopiques que de zooplancton (4).
Un filet à plancton sera ainsi mis en œuvre de manière à filtrer l’eau de mer sur des transects de plusieurs miles nautiques. Les échantillons seront conservés dans le formol puis analysés en laboratoire de manière à séparer la fraction plastique de la fraction organique, puis d’évaluer le rapport en effectifs et en masse des deux composantes microscopiques.
(1) Les polymères du plastique sont
des molécules de synthèse de très grande taille issues
de la combinaison de molécules d’hydrocarbure. Ils sont photo-oxydables,
c’est-à-dire fragmentables par le soleil. En revanche, la complexité
de leur structure et leur taille rend leur biodégradation extrêmement
difficile par les micro-organismes.
(2) Arthur C., Baker J. et Bamford H. (eds)., 2009. Proceedings of the International
Research Workshop on the Occurrence, Effects and Fate of Microplastic Marine
Debris, 9-11 septembre 2008. NOAA Technical Memorandum, Washington.
(3) Les polluants organiques persistants (POPs) se réfèrent
à plusieurs familles de polluants chimiques, dont les PCBs, les pesticides,
certains hydrocarbures etc. Bien qu’en quantité généralement
infime dans l’eau de mer, ils ont comme particularité de réduire
les capacités de reproduction et la faculté immunitaire des
animaux.
(4) Moore C., 2008. Synthetic polymers in the marine environment: a rapidly
increasing, long term threat. Environmental Research 108 : 131-139.